
12 LE FOU ET LE FAUX FOU.
On dit généralement que « le fou a tout perdu sauf la raison ».
C’est peut-être cet excès de raison chez lui qui le met en marge de la société.
Mais quand on observe le comportement des individus vis à vis de certaines situations, on peut se poser la question de savoir s’ils ne se font pas passer pour fous, car souvent ils savent les bonnes méthodes et pratiques de vie en communauté.
Il y a un fou qui s’était installe dans une forêt loin du village.
Il en avait fait son territoire gardé si bien que personne d’autre que lui n’avait le droit d’y mettre pieds sous peine de rencontrer la foudre de sa colère.
Il n’hésitait pas à faire du mal à tout contrevenant.
Il pouvait même se permettre d’ôter la vie à celui qui violait son territoire.
Cette dictature a duré pendant une longue période de sorte que l’espace en question portait son nom et les générations montantes avaient été éduquées à respecter la souveraineté de ce fou.
Mais comme «il n’y a pas de soleil sans coucher », un jour, un habitant du village décida de mettre fin à cette appropriation anarchique et autoritaire de la forêt.
Il annonça son intention d’affronter le fou à une date bien précise.
Face aux risques qu’il courait en voulant s’opposer à ce personnage dont la cruauté remonte depuis fort longtemps, les vieillards et les notables conviennent de le dissuader en lui apportant leurs sages conseils.
Tout en reconnaissant l’attitude sage du collège des sages, il expliqua que c'était quand même nécessaire de le laisser tenter l’expérience pour montrer au fou et autre prétendant à l’anarchie que la vie en société était conditionnée par le respect de la liberté des autres.
Il justifiait son action par l’obligation qu’il avait de libérer la forêt au profit de toute la communauté qui pourrait désormais librement aller faire paître les troupeaux et couper le bois de chauffe etc.
Les notables, en lui rappelant les dangers auxquels il s’exposait, ont tout de même loué son esprit de défenseur de la communauté et son courage tout en le couvrant de bénédictions.
Tout le village fut informé du duel entre l’homme et le fou.
C’était un événement unique puisque dans l’histoire du village personne n’a osé opposer une résistance à ce roi de la forêt.
Le jour « j », toutes affaires cessantes, les habitants du village, hommes, femmes, jeunes et enfants se rendirent dans la forêt.
Quand le soleil fut au zénith, l’homme prit à son tour la route du fameux territoire du fou dont les lointains entourages étaient déjà noirs de monde.
Le fou qui ne se doutait de rien, puisqu’il ne pouvait pas voir les spectateurs, se reposait tranquillement sous le néré dont les fruits ne servaient qu’à lui seul comme repas quotidien.
À l’autre flanc de la colline, l’homme commença la traversée du territoire interdit.
Au moment où sa présence fut remarquée par le fou, ce dernier se mit sur la pointe de ses pieds et vit l’homme qui s’amenait.
Sa réaction fut vive :
« Le chien qui marche là, qu’est-ce que tu cherches sur mon territoire ?
Je t’invite à faire demi-tour, sinon c’est ton cadavre qui ira à la maison car je te tuerai sans pitié ».
Ces menaces n’intimidèrent point notre homme qui avançait droit sur le fou.
Celui-ci alla rapidement chercher sa hache et sa machette pour aller à la rencontre du provocateur.
Il lança de nouveau la menace :
« L’imbécile qui avance là, je t’ordonne de t’arrêter et de disparaître ici sinon … ».
Mais l’homme fit sourde oreille et fonçait sur le fou.
Il arriva à quelques mètres du fou.
Là, un gros caïlcédrat séparait les deux adversaires.
Et l’homme alla se poster au pied de l’arbre et se positionna de manière à donner l’impression qu’il voulait le porter sur sa tête.
Ensuite, il lança au fou :
« Oh, eh-là, l’idiot qui est en face de moi là, viens vite m’aider à porter l’arbre sur ma tête car je veux l’amener chez moi à la maison ».
Le fou ne comprenait plus rien et commença à murmurer :
« Ma situation doit être meilleure que celle de celui-là car s’il veut porter l’arbre sur sa tête et l’amener à la maison, c’est que c’est plus grave chez lui et, c’est sûr que si je retourne au village chez les miens j’aurai des soins qui me permettront de guérir ».
Il fit un pas, deux pas et trois pas en arrière.
L’homme comprit qu’il venait de réussir à dissuader le fou et il continua pour l’assommer pour de bon.
Il tempêta encore et multiplia des menaces qui invitaient l’autre à l’aider à porter l’arbre.
Le fou ne l’écoutait plus et quitta rapidement le lieu qu’il occupait depuis belle lurette.
Il fit ses bagages et se retrouva au village.
La forêt fut ainsi libérée.
Les habitants désormais pouvaient l’exploiter comme ils l'entendaient.
L’homme avait réussi où les autres avaient échoué pendant des décennies, car non seulement il a libéré la forêt mais il a aussi fait comprendre au fou qu’il pouvait être guéri de son mal.
C’est certainement une bonne leçon pour tous les hommes de savoir que quelle que soit la situation périlleuse dans laquelle on se trouve, il faut penser qu’il y a de l’espoir car vous en trouverez d’autres qui vivent le pire.
Nul n'est sans problème car comme le dit l’adage « même les roses ont des épines »