10 L’AVEUGLE VOLEUR.
Aucun homme n’est sans défauts, a-t-on l’habitude de dire.
Seulement, quand on vient à en accumuler beaucoup, cela devient diabolique.
Dans un village vivait un aveugle très égoïste qui se prenait pour le plus malin.
Pour lui, toute belle chose, tout objet de valeur ne devrait revenir qu’a lui et à lui seul.
Avec ce comportement antisocial, il n’avait aucun ami ni de compagnons puisqu’il trompait tout le monde.
En clair, l’aveugle volait.
Il volait honteusement ses amis et même les inconnus qui se présentaient à lui pourvu qu’ils aient à leur possession des objets de convoitises.
Ne nous demandez pas comment quelqu’un qui ne voit pas pourrait voler.
Nous ne vous en dirons pas plus.
Simplement, il volait et il était très habile dans cette vilaine et ignoble pratique qu’est le vol.
Dans ce même village vivait aussi un homme honnête, loyal, travailleur, courageux et bon.
« Comme celui qui a froid et celui qui souffre des maux d’yeux ne peuvent et ne doivent pas rester ensemble dans une même case », l’honnête homme, indigne entreprit d’infliger à l’aveugle une correction à la hauteur de sa malhonnêteté.
L’objectif était de pouvoir exorciser ce mal qui habitait ce dernier afin de le réintégrer utilement dans la société.
C’est ainsi qu’un soir l’honnête homme se déguisa en un aveugle étranger perdu dans ses courses et sollicitant de l’aide.
Il rencontra l’aveugle qui revenait du marché, guidé par sa canne et tenant solidement sa besace.
Il cria alors au secours en titubant et en tapant dans tous les sens avec sa canne :
« Y’a-t-il un homme à côte pour maider ?
Je suis aveugle, je reviens de ma mendicité qui a très bien marche d'ailleurs.
Mais je suis en train de me perdre.
Aidez-moi, aidez-moi dignes fils de ce village ; descendants du boa de la colline sacrée » À ces propos, le vrai aveugle n’entendit que l’écho de ses propres intérêts :
« Mendicité qui a bien marché » (un coq à déplumer).
Il répondit :
« C'est qui ?
Venez vers moi, vous avez de la chance car moi je suis là.
Même si moi aussi je suis aveugle comme vous, je connais mieux la route et je vous conduirai ».
Il continua :
« Il est dit qu'un aveugle ne conduit pas un autre, mais je crois que ça ira ».
Les deux hommes se rapprochèrent et se présentèrent rapidement.
Sans trop traîner, le vrai aveugle demanda :
« Mon ami qu'as-tu eu lors de ta sortie ?
 », l’autre répondit :
« Dieu merci, les hommes de ce village sont très bons de cœur, ils sont miséricordieux.
Un homme m'a offert une grosse barre de sel.
Elle me suffira pour toute la saison ».
L’aveugle demanda :
« Puis-je contempler ta barre de sel, comme je ne vois pas ».
Il l'a prise dans ses bras, la pesa et la soupesa maintes et une fois et l’idée lui vient de la dérober.
Il courut se cacher derrière les buissons qui se trouvaient dans les environs avec la barre de sel de l’autre.
Quelques minutes plus tard, le faux aveugle réclama en criant et en suppliant en vain, sa barre de sel.
C’est ainsi qu’il prit un gros caillou et prononça quelques incantations en ces termes :
« Si c’est vrai que moi je suis né de la lignée pure de mes aïeux ; que je ne dois rien à mes ancêtres, que je suis honnête, mais que c'est tout simplement parce que je suis un pauvre et misérable aveugle, que le caillou déniche pour moi le voleur de mon sel par la puissance de Dieu.
 » Il regarda bien où était couché le voleur aveugle et l’assomma fort sur le dos.
Ce dernier se déplaça de nouveau dans d’autres buissons avec la barre qu’il tenait solidement.
Une fois de plus, l’autre prit encore un autre caillou, fit de nouvelles incantations et assomma l’aveugle de plus bel.
La scène se répéta plusieurs fois de suite.
Ne supportant plus les coups, l’aveugle sortit de sa cachette et dit :
« Mon ami, viens prendre ta barre de sel, je sais bien que tu n’es pas aveugle car tu es adroit dans tes lancées ».
Alors, il comprit qu’on voulait le sanctionner et il jura de ne plus jamais tenter de voler tout le restant de sa vie.
Il resta sage au village et se contentait de ce que les gens lui donnaient comme aumône.
Le vol est un acte très ignoble, prendre ce qui ne t’appartient pas est le pire des crimes.
La fin du voleur est toujours douloureuse car il paie ses actes d’une forte monnaie :
celle de la mort violente.