8 LES COLPORTEURS D'INFORMATION.
Il est dit que le bienfait n’est jamais perdu.
Seulement, il est moins commenté et rapporté.
Lorsque vous dites quelque chose de mal de quelqu’un, sachez que vous saurez effectivement que les murs ont des oreilles.
Mais si vous dites quelque chose de bien le concernant, vous vous rendrez compte que personne ne se chargera de le lui transmettre.
Un homme très honnête vivait dans un village.
Il admirait tellement le chef du village qu’à chaque fois qu’il causait avec les gens, il n'arrêtait de dire du bien du chef.
À chaque fois qu’il se rendait à la place publique, il couvrait le chef d'éloges et louait convenablement ses actions, qui selon lui visaient le bien-être collectif de tous les habitants.
Cela a duré pendant des années sans que personne ne le transmette au chef.
Aussi, depuis une semaine, ce même homme n’arrêtait pas de dire que si par hasard le chef voulait de sa fille comme épouse (en âge de se marier), il n’hésiterait pas à l’accepter.
Là aussi personne ne transmet la nouvelle au chef.
Pour achever son expérience de mesurer la cruauté des hommes sur terre, l’honnête homme se rendit chez le forgeron (une place publique par excellence).
Il entreprit d’aiguiser sa hache.
Pendant des heures, assis, il limait sa hache et répétait ceci :
« Dans quelques instants, si notre chef est en vie, c’est que moi je suis mort ; et si moi, je suis en vie, c’est que le chef est mort ».
Tous ceux qui étaient présents lui posaient des questions sur le pourquoi de ces propos et c'était sans réponse.
Lhomme répétait seulement qu’il tuerait le chef aujourd'hui et dans quelques instants.
Un petit moment passa et avant que l'homme ne quitte la forge, les serviteurs et soldats du chef vinrent l’arrêter.
On l’amena ainsi au palais et le chef lui posa les questions suivantes :
« Il paraît que tu dis que tu vas me tuer aujourd'hui ?
Qua-t-il fait de mal pour que tu veuilles l’assassiner ?
Est-ce vrai ce qu’on m'a raconté ?
 »
L'homme prit la parole devant le chef et dit :
« Tout ce qu’on vient de vous dire est la pure vérité.
Seulement, vos rapporteurs n’ont pas tout dit, Majesté, depuis des années, je n’arrête pas de louer vos efforts de réalisation du bien-être collectif.
Est-on venu vous dire cela ?
 »
Le chef répondit qu'il n’avait jamais pris connaissance de ces différents encouragements et louanges.
L’homme continua :
« Il y a de cela une semaine, j’ai manifesté mon intention de vous donner ma fille en mariage pourvu que vous me demandiez sa main.
Est-ce qu’on vous a raconté cela ?
 »
Non, répondit le chef.
« C’est pourquoi, pour voir l'honnêteté de vos rapporteurs, j’ai tenu à m’exposer en tenant tous ces propos menaçants qui vous ont été rapportés. » Le chef comprit la sagesse que cet homme avait voulu lui transmettre. Il libéra ainsi ce sage homme et convoqua les rapporteurs à qui il infligea une sévère punition.
Nos grands-pères avaient raison de dire que « l’acte louable du citoyen atteint rarement les murs du palais ».