
05 LE PRIX DE LA MÉCHANCHETÉ.
Deux frères orphelins vivaient ensemble en parfaite harmonie dans la cour parentale.
L’aîné se maria avec une femme respectueuse, humble, sans caprices notoires.
Elle était une femme bien éduquée.
La vie à trois se passait normalement, car le respect, la tolérance, et la compréhension mutuelle étaient les choses les mieux partagées.
Ces trois personnes s’aimaient et s’entendaient bien.
Un jour, le cadet vient voir sa belle-sœur avec des gris-gris et lui dit ceci :
« Je sais que toi et mon frère vous vous entendez bien.
Pour consolider cette entente, prends ce gris-gris et mets-le dans le plat préféré de ton mari ».
Deux jours après, pour tester le gris-gris, elle plongea tout le contenu de ce produit dans la sauce de son beau-frère avec une ferme conviction que la charité bien ordonnée commence par soi-même.
Ce dernier dégusta son plat avec grand appétit.
Aussitôt il sentit des maux de ventre terrifiants.
Très vite, on l'amena chez le guérisseur et c’est sans succès que le grand frère et le guérisseur ont assisté au passage de la vie à la mort du jeune-homme.
Le grand frère jusqu’à présent ignorant de ce qui s'était passé entre son petit frère et sa femme se mit en colère contre cette dernière.
Il estima qu’elle était probablement la seule responsable de la mort de son seul frère.
Il jura de venger son frère tout juste après l’enterrement.
Dans ce village, avant d’enterrer un mort, on fait des rites interrogatoires qui consistent à ce que chacun des membres de la famille rassure la communauté qu’il n’est mêlé ni de près ni de loin à la disparition du défunt.
Débout devant le cadavre, chacun jurait comme s’il prêtait serment.
C’est ainsi que la femme fut conduite devant la dépouille.
Elle leva la main et s'exprima en ces termes :
« Un jour, mon beau-frère m’a remis du gris- gris et m’a recommandé de le mélanger au repas de mon mari.
Il soutenait que de cette façon, mon mari et moi renforcerions notre amour et notre entente.
Alors je me suis dit que si je m’entendais avec lui aussi, cela ne serait pas de trop.
Voilà pourquoi j’ai commencé par lui en mettant ce gris-gris dans son plat.
Malheureusement, le résultat, c’est ce que vous constatez.
Si les faits que je viens de relater ne sont pas justes, que le fantôme de mon beau-frère me hante tout le reste de ma vie sur terre ».
Son mari s’approcha timidement et lui demanda avec insistance si c’est ce qui s’est vraiment passé.
Elle répondit sans hésiter et jura de nouveau.
Son mari ordonna aux croque-morts d’attendre un instant.
Il rentra dans la case, en ressortit sans que l’assistance ne s’en aperçoive et assena le cadavre de quatre coups de gourdin avant de dire :
« Allez-y enterrer ce vautour ».
Il y a donc des morts qui méritent des corrections comme si leur disparition n'était pas déjà suffisante.
La jalousie est un acte ignoble :
la mort atroce est souvent sa paie juste.
Il est donc mieux d'éviter ce vice pour mériter au moins un dernier hommage.